IFA Paris : Lise, vous dispensez l’enseignement du design au sein d’IFA Paris depuis plusieurs années et êtes plus particulièrement en charge des collections de la section Bachelor Stylisme Modélisme 3. Avez-vous noté au fil du temps une évolution de la créativité et comment avez-vous adapté vos méthodes pédagogiques ?
Lise Parmentier : Nous avons une cinquantaine de nationalités représentées dans notre population étudiante, par conséquent « créativité » a toujours rime avec « diversité » à IFA Paris ! Je suis donc habituée à observer tellement de définitions personnelles et de perspectives créatives que la nouveauté est devenue mon quotidien. Au niveau des méthodes pédagogiques je remarque que les étudiants utilisent de plus en plus des supports digitaux. Bien que nous nous soyons adaptés à cette tendance (notre bibliothèque est presqu’entièrement en ligne !) il est important pour moi de sensibiliser les étudiants à redécouvrir la beauté du « print », à être ému par la beauté d’une exposition ou encore à expérimenter des techniques artisanales tels que le plissage ou la broderie.
IFA Paris : Les changements sociétaux influencent grandement les codes de la mode. Comment vos étudiants s’en inspirent-ils ? Par quel biais les guidez-vous dans l’expression de ces différents courants créatifs ?
Lise Parmentier : La mode est un langage qui reflète l’expression d’une société en constante évolution. Les thématiques de fluidité des genres, de multiculturalité ou encore de développement durable sont autant de sujets importants auxquels nos étudiants doivent être sensibles. J’infuse régulièrement ces sujets de manière transversale dans mes cours de stylisme, que ce soit par le biais d’ateliers ou de sorties. Mon objectif principal est d’élargir l’horizon de mes étudiants tout en étant constamment à l’écoute de leurs propres sensibilités. J’aime découvrir la personnalité de chacun d’entre eux par le biais de discussions individuelles et de tutorat dans le cadre de leurs collections.
IFA Paris : Forte de votre expérience au sein d’IFA Paris, vous avez côtoyé en tant que prof de stylisme, plusieurs promotions d’étudiants en design ; quel a été votre plus gros challenge et comment l’avez-vous surmonté ?
Lise Parmentier : A IFA Paris nous avons toujours eu une politique d’inclusion de tout type de profil académique. Les étudiants peuvent rejoindre le programme de Bachelor Stylisme Modélisme sans jamais avoir cousu ou dessiné de leur vie. Nous leur apprenons les bases en première année et les faisons progresser vers des projets plus complexes. Le programme dans son ensemble est donc intensif et de par l’hétérogénéité des profils il est parfois compliqué de faire évoluer tout le monde au même rythme. Cela demande une pédagogie flexible qui nous permette à la fois de motiver les étudiants aux profils plus faibles tout en encourageant les élèves les plus talentueux à se dépasser. Ce n’est pas toujours facile mais on y arrive !
IFA Paris : Quelles sont les principales tendances qui ont, au fil du temps, émergé des défilés que vous avez supervisés ? Quelle a été selon vous la plus significative ?
Lise Parmentier : Il me semble qu’aujourd’hui la tendance émergeante la plus significative est la tendance à l’upcycling. Quand j’ai commencé aucun élève ne pensait à utiliser du vieux pour faire du neuf, alors qu’aujourd’hui, c’est devenu très naturel. Pourtant, nous avons proposé un atelier upcycling dès ma deuxième année de professorat en 2011, mais les élèves y attachaient peu d’importance. Finalement cela fait écho à votre question précédente sur les évolutions sociétales. 8 ans après avoir proposé un premier atelier d’upcycling je m’aperçois que les milléniaux ne sont pas aussi « egocentriques » que les sociologues veulent bien nous faire penser. Au contraire, ils sont conscients et soucieux de leur environnement, ce qui se traduit dans leur processus créatif.
IFA Paris : La multi-culturalité est un des piliers d’IFA Paris. Comment parvenez-vous à conjuguer au quotidien, l’apprentissage de la mode et de la culture française avec des profils internationaux très hétéroclites ?
Lise Parmentier : Comme j’ai pu le mentionner auparavant, la multiculturalité fait tellement partie de l’ADN d’IFA Paris que conjuguer diversité et culture Française est devenu pour moi une évidence ! Chaque élève arrive avec son background, son origine, son parcours, qui lui sont personnels, il est très important de lui faire comprendre que c’est cela qui le rend unique. Bien entendu tous ces élèves viennent à Paris pour apprendre la mode car Paris reste sa capitale incontournable. Paris est un formidable creuset. Il faut donc leur ouvrir les yeux sur la richesse culturelle de la ville lumière en leur faisant comprendre que la créativité se développe au fil des nouvelles expériences, connaissances, rencontres. Elle n’est jamais figée et n’a pas non plus de nationalité ! Je cherche à apprendre à mes étudiants qu’il faut puiser dans leur propre univers, mais que celui-ci doit s’enrichir tous les jours, que le fait de vivre en France leur permet de s’approprier la culture « Française » en la transcendant via leur propre perspective.
IFA Paris : Ce qui fait depuis toujours la signature d’IFA Paris, c’est cet attachement à respecter la personnalité de chacun ; vous adaptez-vous au parcours singulier de chaque élève dans vos divers apprentissages ou au contraire vous servez-vous de l’universalisme de la mode pour fédérer ces individualités si différentes ?
Lise Parmentier : L’universalisme est une notion tout à fait française ! On parle souvent de l’universalité des droits de l’homme, ce qui est un beau concept en soi. Seulement il est vraiment important de confronter l’universalisme avec l’individuel. Par conséquent j’aurais tendance à vous répondre que j’utilise les deux types de perspectives ! J’utilise des points de référence, comme des créateurs ou créatrices phares, afin de fédérer les étudiants autour d’un concept. Par ailleurs je les pousse à découvrir leur individualité en les sensibilisant à scanner le zeitgeist en permanence. De mon point de vue, des vêtements peuvent être très beaux et pourtant ne pas correspondre aux envies de l’époque ; cela devient du costume et non de la mode.
IFA Paris : Dans l’avenir, pensez-vous que vos étudiants parviendront encore à vous surprendre ?
Lise Parmentier : Je l’espère sinon mon métier deviendrait bien triste ! Mais les jeunes sont très inventifs et ont un regard neuf sur le monde donc je suis très confiante.