
Un des derniers grands noms de la mode vient de s’éteindre… Pierre Cardin, homme aux multiples talents, nous a quittés en cette fin d’année, après 70 ans d’une carrière émaillée de prises de risques et de succès confirmés. Avec un esthétisme très visionnaire, il a joué de son art, assis son triomphe dans la Haute Couture tout comme dans le prêt à porter. Il s’est aussi illustré dans des secteurs d’activité où personne ne l’attendait, faisant de son patronyme une marque reconnue à l’international. Homme d’affaire aguerri, un brin provocateur et loup solitaire, « l’empereur de la mode » laisse derrière lui un héritage artistique unique.
« Aimer c’est bien, mais être aimé, c’est encore mieux! » se délectait-il, fier de sa revanche sur la vie. Passé du statut d’émigré vénitien (il a fui le fascisme alors qu’il était encore enfant) à celui d’ambassadeur de la haute couture parisienne, Pierre Cardin s’est d’abord démarqué dans la confection de costumes de théâtre et de masques.
Formé par Jeanne Paquin au lendemain de la seconde guerre mondiale, puis après un bref passage chez Elsa Schiaparelli, il rejoint Dior pour lequel il gardera toute sa vie une profonde admiration. Au début des années 50, sa soif d’entreprendre le pousse finalement à fonder sa propre maison, dédiée aux tenues de soirées et à la haute couture.
«J’ai tout inventé», n’était pas seulement une déclaration présomptueuse de Pierre Cardin, les faits attestent ses dires…
En 1957, il est un des premiers à partir à la conquête de l’Asie. Direction le Japon, où il enseignera le modélisme un temps, avant de séduire la Chine par ses créations en 1979.
En France, il mettra à l’honneur les hommes, en les faisant défiler dès 1958, activité pourtant encore réservée aux femmes. Mais le grand virage de la maison Cardin interviendra en 1959 où il devient le pionnier du prêt-à-porter. Désireux de rendre ses créations accessibles à tous, de démocratiser la Haute Couture, il implante ses vêtements sous forme de corner dans un grand magasin parisien, « Le Printemps ». Après avoir bousculé les codes de la mode féminine, il fera des années 60, le point de départ des collections de prêt à porter homme (Collection « Cylindre ») et enfants (« Collection Les Triplés »).
Celui qui refusa toujours de prendre sa retraite, n’aura de cesse durant toute sa carrière, de surprendre quelquefois, d’innover toujours, de déranger souvent.
Inventeur de la mode futuriste au même titre que Paco Rabanne ou Courrèges, il ose les lignes déstructurées, les formes généreuses, les motifs géométriques. De la robe bulle au costume mao porté par les Beatles, de la collection unisexe Cosmocorps inspirée par la conquête spatiale à la robe « Cardine » bâtie en triangles moulés, Cardin impose son style. Mais Cardin impose aussi son nom, une marque qu’il choisit de diffuser à grande échelle sous forme de licences. Coup de génie pour certains, trahison pour d’autres. Du vêtement griffé au paquet de cigarettes, il fera des choix marketing très lucratifs en apposant son nom sur plus de 800 produits dérivés !
En 98 ans, Pierre Cardin a relevé tous les défis professionnels avec un appétit insatiable, avec toujours la même envie d’explorer de nouvelles voies. Il laisse à jamais son empreinte de costumier, de styliste, d’homme d’affaires hors pair, de restaurateur et d’hôtelier. Passionné de culture et de design, mécène respecté, il restera le premier couturier à avoir hissé la Haute Couture au rang de l’Académie des beaux-arts.
L’homme aux 58 maisons, propriétaire du Palais Bulles et de l’ancien château du Marquis de Sade est parti rejoindre le 29 Décembre sa dernière demeure. Celle qu’il n’avait ni choisie, ni décorée, celle où il repose désormais pour l’éternité.