Avec sa toile en coton inimitable, le jean est devenu en l’espace de deux siècles, le vêtement culte de toutes les générations. Du pantalon iconique des chercheurs d’or à la panoplie indispensable des cowboys, des tenues anticonformistes des stars hollywoodiennes aux mannequins des catwalks, de la rue à la haute couture, il a traversé toutes les époques sans jamais sombrer dans la démode. Mais quel est le secret de ce pantalon mixte, omniprésent dans tous les dressings depuis si longtemps?
Imbroglio sur les origines
Contrairement à la croyance collective, la bataille fait rage entre un duo d’étoffes aux origines toutes deux européennes et non américaines : la toile de jeanne et le denim.
L’anglicisme « jeans » tirerait son étymologie de la déformation de « la toile de jeanne », une étoffe épaisse brunâtre, mélange de laine et de lin, produite dans la ville de Gènes dès le 18 ème siècle. Initialement dédiée à la confection nautique (voiles ou pantalons de marins), elle a vite été adoptée outre atlantique en raison de son extrême solidité pour la fabrication des vêtements de travail, dont les fameuses salopettes de mineurs et fermiers.
Jeans Calvin Klein – 1976
Mais la ville de Nîmes revendique également la paternité de ses origines. La toile de jean serait la digne héritière du denim, un sergé de coton, composé de fils de chaîne bleu indigo et de fils de trame écrus, dont la composition et la couleur sont effectivement très proches de l’aspect de nos jeans contemporains.
De l’uniforme de travail aux pantalons iconiques de la mode
D’abord destiné aux travailleurs, il faudra attendre le milieu du 19ès et le génie de 2 hommes pour voir la destinée du pantalon mythique basculer. L’association de Levi Strauss (commerçant textile) et Jacob Davis (tailleur de profession) est à l’origine de la success story des jeans. Grâce à l’invention de rivets en cuivre apposés aux points d’usure des pantalons en toile denim, le jean perd progressivement son statut de bleu de travail pour devenir pantalon de loisirs à la mode : la saga Levi’s est née et avec elle, la consécration du Blue jeans.
Le jean, terrain de jeu des stylistes
Le jean a traversé toutes les époques, s’est adapté à toutes les évolutions sociétales, s’est essayé à tous les styles. Son secret de longévité ? Le travail des créateurs pour le réinventer sans cesse.
Débarqué en Europe durant la 2nd guerre mondiale sous l’impulsion des GI, il se veut près du corps dans les années 60, flared version baba cool dans les 70’s, plus rock dans les années 80…mais sa seule coupe ne suffit pas à suivre les tendances. Plutôt brut à l’origine, on le customise de broderies dans les 70’s, on le délave façon stone washed dans les 80 et 90, on le colorise dans les années 2000…
Et aujourd’hui ? Brut, bleached, déchiré ou à l’usure exagérée, le jean continue de fasciner les stylistes qui n’hésitent pas à mélanger les camaïeux et les textures pour livrer des créations toujours plus originales…mais pour combien de temps encore ? Le jean est un des textiles les plus polluants de l’industrie, on repense donc sa fabrication en se tournant vers une production tenant compte du développement durable. Certaines marques (1083, Better denim, Kuyichi) ont déjà fait le choix de commercialiser des jeans éthiques et durables, tandis que certains créateurs haute couture intègrent d’autres techniques à leur processus créatif (ajout de graffitis sur toile blanche chez Margiela ou patchworks multicolores lors de la dernière fashion Week).
Le jean n’a visiblement pas encore livré toutes ses potentialités stylistiques. Telle la toile blanche du peintre, il renferme une charge créative inépuisable qui faisait même regretter à YSL de ne pas en avoir été à l’origine… « Je n’ai qu’un seul regret. C’est de ne pas avoir inventé le jean. »